Des fruitiers en bord de mer ou en plein vent, c'est possible?
En général, la réponse est oui!
Voici une méthode d’analyse simple en 5 points suivie de suggestions :

1. Évaluer la difficulté du terrain

Premièrement, il faut évaluer le niveau de difficulté de plantation du terrain.
Nous suggérons d’évaluer la force et la fréquence du vent, puis la présence d’humus (terre). Parmi les situations suivantes, notez celle qui représente mieux le lieu de plantation projeté :

 a) Vent permanent et puissant, sol rocheux ou tuf (cap rocheux sans végétation ni aucune protection du vent dominant);
 b) Vent régulier avec rafales occasionnelles. Présence de quelques végétaux bas avec un sol peu profond ou sablonneux. Relief plat ou comportant des collines;
 c) Vent occasionnel avec rafales, présence de végétaux de taille moyenne, penchés par le vent dominant. Sol normal ou sablonneux. Quelques protections naturelles (arbres, montagnes ou bâtiments);
 d) Vent faible mais continu, rafales occasionnelles. Présence de végétaux de bonne taille et plusieurs protections naturelles (microclimats).

Le cas “a” est le plus difficile. Sans protection ajoutée (mur, toile de serre ou treillis dense du côté vent dominant) et sans humus ajouté, il sera difficile de faire pousser quoi que ce soit. Le vent continuel empêche les végétaux de concentrer leur énergie sur la croissance, et un sol rare et pauvre prive la plante d’eau et de nutriments essentiels.

Les autres cas (“b”, “c” et “d”) sont de bons voire excellents départs et peuvent être améliorés pour devenir des lieux fertiles et florissant. Voici quelques techniques pour augmenter le potentiel d’un lieu :

2. Installer un brise-vent végétal ou en matériau inerte

Un brise-vent ne coupe pas complètement le vent mais le ralenti sur une bonne distance. Il faut privilégier une plantation du côté protégé du vent dominant, relativement près du brise-vent, en particulier si celui-ci n’est pas large ni haut.

Il existe deux types de brise-vent utiles pour la plantation : les brise-vent en matériaux inertes et les brise-vent végétaux. Pour les premiers, voici quelques exemples :

  • Un bâtiment (maison, cabanon, serre) est un excellent brise-vent;
  • Un pan de mur avec toile de serre, une clôture dense (surface occupée à 40% et plus) ou un treillis offrent une protection sur une hauteur limitée mais utile;
  • Une falaise, des rochers ou d’autres formations géologiques naturelles ou modifiées (terasses, galeries, bordures) bloquant le vent dominant font une énorme différence.

Les brise-vent végétaux ont l’avantage d’être potentiellement plus grands, plus larges, moins chers et de durer longtemps. Ils ont le désavantage d’être longs à mettre en place (en particulier si on commence de zéro) et peuvent connaître des aléas (arbres cassés, séchés).

Les effets des brise-vent végétaux sont selon nous plus intéressants à long terme puisque les végétaux produisent de l’humus, conservent l’humidité, attirent la faune pollinisatrice et bien sûr, se multiplient! On peut en observer les effets concrets dans des lieux bordés par la mer mais denses de forêts, comme par exemple à Métis-sur-Mer. La plupart des terrains y profitent d’une situation se rapprochant de l’idéal pour la plantation car il y a partout des sections protégées du vent.

Quelques suggestions de plantes brise-vent adaptées à la Gaspésie :

Feuillus

  • Amélanchier (arbuste fruitier)
  • Argousier (arbuste, petits fruits, résistant au vent, se multiplie facilement)
  • Aronia (arbuste fruitier)
  • Aubépine (petit arbre)
  • Aulne (arbuste, pousse dans sol pauvre, enrichit le sol)
  • Bouleau blanc (arbre)
  • Caragana (arbuste, résistant au vent, se multiplie facilement)
  • Chèvrefeuille (arbuste)
  • Cornouiller (arbuste, pousse dans sol pauvre, se multiplie facilement)
  • Cotoneaster (arbuste)
  • Chalef argenté (arbuste, résistant au vent, se multiplie facilement)
  • Chêne à gros fruit (gros arbre)
  • Érable à sucre (gros arbre)
  • Érable de l’Amur (arbuste)
  • Frêne de Pennsylvanie (gros arbre)
  • Fusain (arbuste)
  • Gadelier alpin (arbuste,résistant au vent, se multiplie facilement)
  • Lilas (arbuste à arbre)
  • Orme d’Amérique (gros arbre)
  • Peuplier (gros arbre, certaines variétés poussant rapidement)
  • Pommetier (choisir une variété rustique)
  • Potentille (arbuste dense)
  • Physocarpe (arbuste, résistant au vent)
  • Rosier sauvages (arbustif, certains résistant au vent, dense)
  • Saule (gros arbre, certaines variétés arbustives et poussant rapidement)
  • Sorbier (petit arbre)
  • Sumac vinaigrier (arbuste, se multiplie facilement)
  • Tilleul (gros arbre)
  • Viorne (arbuste)

Conifères

  • Cèdre blanc (gros arbre)
  • Épinette, variétés indigènes (gros arbre)
  • Mélèze (pas d’épines en hiver)
  • Pins rouge, blanc, sylvestre (grands formats)
  • Sapin baumier
  • Genévriers rampants (arbustif) ou coniques (arbres étroits)
  • Cultivar de cèdre à haie (étroit à large possible, généralement haut)

3. Utiliser le paillis et l’arrosage goutte-à-goutte

Un des effet néfaste du vent, surtout s’il est constant, est l’assèchement des plantes. Dans un lieu venteux, on peut prévenir l’assèchement par l’utilisation d’une couverture au sol pour éviter l’évaporation de l’eau. Plusieurs solutions peuvent être installées au pied des plantes :

  • une toile de plastique;
  • un géotextile;
  • du carton;
  • du paillis (choisir des copeaux de feuillus de préférence, du cèdre sinon);
  • toute matière végétale, compostable, non-acidifiante. Ex: feuilles mortes, planches de bois peu épaisses et humides, résidus de tonte, etc.

Évidemment, il faudra s’assurer que le matériel servant de paillis reste en place en le fixant à l’aide de poids comme des roches, briques, branches, piquets, etc. Dans le cas d’un paillis étanche (plastique ou carton), s’assurer que l’eau de pluie pourra s’écouler à proximité et atteindre les racines de la plante.

L’avantage de matériel biodégradable comme le paillis de feuillus ou de feuilles mortes est qu’il apporte de la fertilité en se décomposant en plus d’entretenir une vie microbienne bénéfique pour la plante.

Si on a accès à une source d’eau (pensez à utiliser un baril récupérateur d’eau de pluie), on peut également installer un système d’irrigation “goutte-à-goutte” pour s’assurer de prévenir la sécheresse après plantation. Des tuyaux perforés sont maintenant disponibles en quincaillerie à prix raisonnable. Ces tuyaux peuvent être placés sous le paillis.

4. Planter des variétés de fruitier rustiques et adaptées

L’effet du vent sur les plantes ne peut pas facilement être quantifié. Généralement, les bords de mer gaspésiens sont zonés 4a, voire 4b dans la Baie-des-Chaleurs. Ce zonage est calculé principalement à partir des températures hivernales minimales et ne tient pas compte du facteur éolien local. Nous recommandons pourtant des plantes zonées 3 voire 2 dans les lieux fortements ventés, pour éviter que le refroidissement éolien ne gèle les bourgeons d’une plante ou en provoque l’assèchement. Voici quelques suggestions de cultivars parmi les fruitiers usuels :

Pommier (préférer les nains ou semi-nains)

  • Battleford
  • Goodland
  • Norkent
  • Norland
  • Parkland
  • Rosybrook
  • September Ruby
  • les variétés zone 3 sont également recommandées

Poirier (généralement tous les poiriers dits “rustiques”)

  • Golden spice
  • John
  • Sainte-Sophie
  • Savignac
  • Summercrisp
  • Ure
  • Poirier rustique adapté aux climats froids

Prunier

  • hybrides (Brookgold, Brookred, Pembina, Kahinta, Waneta)
  • certains européens (Mirabelle, Mont-Royal)
  • pruniers noirs et américains (Bounty, indigènes)

Cerisier

  • Griottes (cerises “à tarte” comme Montmorency, North Star, etc.)
  • Cerisiers nains (série Romance)

Bleuet

  • Northland
  • Northblue

Autres petits fruits rustiques : amélanchiers, argousiers, aronia, camerisiers, canneberges, cassissiers, fraisiers, framboisiers, gadeliers, gojis, groseilliers, kiwis arctiques, ronce mûre, sureau blanc, viorne trilobée, thé des bois. Préférer des cultivars de zone 3 ou 2.

5. Technicalités sur les brise-vent végétaux

Dans le cas de la plantation d’un brise-vent, les arbres sont plantés plus près les uns des autres que dans une plantation normale (viser le double de la densité normale), afin d’obtenir un effet de mur de branches et feuilles très denses. L'idée est de propager 60-80% de l'énergie éolienne et de la soulever au-dessus du brise-vent.

Généralement, on prévoit un brise-vent de plusieurs rangées implantées en quinconce (ou en zig-zag, la rangée suivante couvrant les “trous” de la première rangée). Plus il y aura de rangées, plus le brise-vent sera efficace. Également, il faut prévoir un brise-vent long, pour que l’effet du brise-vent porte sur une bonne superficie. Généralement, on vise un brise-vent dix fois plus large que haut. Une forme idéale est celle d’un triangle équilatéral, avec les plus grands arbres au centres et les plus petits aux extrémités. Avec un tel arrangement, la zone protégée est de 20 à 30 fois la hauteur de l’arbre le plus haut (central). Ex: un arbre de 10’ de haut au centre avec plusieurs rangées d’arbustes, sur 100’ de large protégera un espace de 200’ à 300’ de long..!

Un brise-vent comportant à la fois des feuillus et des conifères pourrait avoir plus de résilience et d’effet bénéfiques qu’un brise-vent avec seulement un des deux types (du point de vue écosystémique). Les conifères sont cependant supérieurs aux feuillus pour leur effet brise-vent pendant l’hiver puisqu’il restent denses. L’effet des feuillus l’hiver est diminué par la perte des feuilles, mais il reste non-négligeable.

Pour terminer, voici quelques suggestions générales pour votre brise-vent :

  • Préférez les jeunes plants (1-2 ans), car ils ont en général une meilleure reprise après plantation que les plus grands (et sont moins chers!). Sur plusieurs années, un arbre planté jeune va généralement rattraper, voire dépasser la taille d’un arbre planté à un âge plus avancé.
  • Plantez beaucoup, beaucoup de plants, densément. Vous risquez d’avoir de la perte sur la quantité mais les plants côté vent protégeront les autres et la croissance sera ainsi assurée. Certains plants se démarqueront par effet de compétition.
  • Plantez des espèces qui sont déjà dans le paysage ou qui ont déjà fait leur preuves dans un milieu similaire. Plantez des arbres ou arbustes que vous aurez vous-même déterré au bord de la mer (déterrez tôt au printemps ou tard à l’automne, lorsqu’il n’y a plus de feuilles dans les arbres);
  • Plantez plusieurs variétés et plusieurs types de plantes à la fois : feuillus, conifères, arbustes, arbres, etc. Vous aurez ainsi beaucoup plus de chance de trouver les variétés qui se plaisent le plus et qui poussent rapidement.
  • Combinez les techniques : clôtures, haie d’arbustes, zone de conifères, paillis de géotextile, carton, paillis de copeaux et feuilles, irrigation, etc. Implantez des boutures de saules, cassis, (les plus faciles) directement dans le paillis pour densifier, semez des graines, etc.
  • Profitez des journées de distribution d’arbres gratuits. Cela se passe généralement au mois de mai (mois de l’arbre et des forêts au Québec). Plusieurs feuillus et conifères indigènes sont généralement disponibles.